Cherie Jones. How the one-armed sister sweeps her house. Little Brown and Company, New York : 2021

Avec ce roman, Cherie Jones nous plonge dans la Barbade au début des années quatre-vingt. L’histoire est principalement articulée autour de la mort du bébé de Lala, une jeune femme de l’île orpheline, victime de violences conjugales et du meurtre par un cambrioleur de Peter Whalen, un anglais en vacances avec sa deuxième femme, originaire aussi de Barbade. C’est d’ailleurs par ses monologues qui constituent plusieurs chapitres que nous revoyons ce qui s’est passé cette nuit-là et les conséquences du meurtre. Le lien entre ses deux histoires s’effectue par le troisième personnage de l’histoire, Adan, compagnon de Lala et cambrioleur des Whalen.

Dans les deux cas, à cause deux même homme, deux femmes perdent un être cher et presque leur raison de vivre. Par le jeu des retours en arrière, peu à peu se dévoile l’histoire de ces deux femmes, qui remonte en réalité à plusieurs générations, et c’est une île où domination masculine, racisme et tourisme produisent le malheur qui frappe les deux principales protagonistes.

Cependant, tout n’est pas sombre pour Lala, notamment avec ses rencontres avec Tone, qui loue des jet-skis sur les plages de l’île, mais vit surtout de la vente de ses charmes à des touristes fortunées. Un des chapitres évoque de façon presque tragi-comique un de ses réveils auprès d’une de ses clientes.

Ces quelques éclairs ouvrant la possibilité du bonheur ne durent cependant qu’un instant et c’est surtout sa peur, la perte de son bébé et la remémoration de sa vie passée, chez sa grand-mère Wilma, qui construisent peu à peu une atmosphère oppressante.

Peu à peu se dévoilent aussi des liens secrets entre les personnages, notamment par le biais de ces tunnels qui parcourent l’île, un héritage de l’ancien système de défense des Britanniques, et relient entre eux lieux insoupçonnés, comme ils permettent aux hommes de cacher leurs délits et aux amoureux de fuir le regard du monde. Ils sont ainsi une échappatoire pour les femmes qui doivent impérativement refréner leurs désirs pour correspondre à l’image de « bonne fille » ou pour Lala « bonne petite fille ».

En effet, cette île que les vacanciers, les clients de Tone notamment, voit comme un paradis paraît de plus en plus une prison et le seul espoir de ses habitants semble résider dans la fuite, c’est d’ailleurs sur une fuite, que s’achève le livre.

Il s’agit d’un livre dur, d’ailleurs bien accueilli par la critique tant anglophone que francophone (sa traduction est parue en novembre 2021), qui mérite d’être lu pour désillusionner sur le paradis caribéen.