« J’ai quitté Morne-Galant à l’aube parce que c’était la seule façon de ne pas cuire au soleil », ainsi, dès la première phrase, le roman nous présente une situation de fuite. Ce premier chapitre, on comprend ensuite qu’il est le monologue d’une tante s’adressant à sa nièce au soir de sa vie et alors qu’elle a quitté la Guadeloupe depuis plusieurs années.
Le roman s’articule en trois parties, la première « 1947-1948 » retrace l’histoire d’une famille de Guadeloupe, originaire de Morne-Galant, un toponyme inventé, mais situé sur Grande-Terre, vraisemblablement au nord de l’île. Cette partie commence le projet de la narratrice, derrière laquelle on voit nécessairement l’écrivaine. Elle explique pourquoi et comment elle en est venue à recueillir la parole de son père et de ses deux tantes.
Les deux tantes, Antoine et Lucinde et le père de la narratrice raconte alors l’histoire de leurs parents, Hilaire Ezechiel, un afro-descendant de Morne Galant et son épouse Eulalie Lebecq, issue de la communauté des petits Blancs-pays des Grands-Fonds, que l’on appelle Blancs Matignon. L’autrice parvient ainsi à montrer les tensions entre les différents groupes ethnosociaux de Guadeloupe. Mais loin d’illustrer une histoire de Roméo et Juliette créoles la famille ainsi créer doit affronter la jalousie des autres, une tension interne, et le Morne-Galant est loin du bonheur de la petite maison dans la prairie.
On comprend alors que l’aînée, Antoine, fuit rapidement cette atmosphère pour aller à Pointe-à-Pitre faire sa vie. C’est d’ailleurs elle qui domine le récit, comme elle a sans doute dominé sa famille, marchande vivant la vie de pacotilleuse nous rappelant qu’avant l’avion et les frontières étatiques actuelles qui limitent considérablement les déplacements, une économie intra-caribéenne existait entre les îles et le continent. Antoine se livre ainsi à un trafic de diamants entre Caracas et les îles anglaises à l’instigation d’un ancien bagnard évadé.
De son côté, Lucinde la plus jeune des tantes fuit aussi le Morne-Galant pour mener une activité de couturière qui lui permet de rencontrer la haute société guadeloupéenne. Le livre raconte d’ailleurs la visite du général de Gaulle à Pointe-à-Pitre du point de vue de chacune des deux sœurs. Les hasards de l’histoire font qu’Antoine va aussi assister à deux évènements majeurs de la Guadeloupe, les émeutes de Basse-Terre en mars et le tragique mai à Pointe-à-Pitre en 1967.
Finalement pour différentes raisons, désirs d’ascension sociale, de meilleure éducation pour les enfants ou tout simplement fuite face à une situation dangereuse, la fratrie et leurs enfants partent vers la France, la Métropole, dans les années 60-70. La description de l’installation, le racisme sont décrits assez finement sans sombrer dans le misérabilisme.
Au final, ce livre permet aux lecteurs qui l’ignorent de connaître un petit peu l’histoire récente de la Guadeloupe et la complexité de sa population. Les difficultés de l’intégration des Guadeloupéens dans leur société d’accueil bien différente de leur île natale malgré l’identité juridique des deux territoires. L’histoire prenante, voire rocambolesque dans le cas d’Antoine, et le style fluide font de ce roman un livre très agréable à lire.

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