Makenzy Orcel. L’ombre animale. Zulma, Paris: 2016

L’histoire commence avec l’odeur d’oignon frit de la mort, ou plutôt le monologue de la narratrice du roman, une fille dont nous ne connaîtrons jamais le nom ni le prénom et qui nous raconte sa vie et celle de sa famille au village.

Ce village est en Haïti, vraisemblablement dans les années 80-90 du siècle dernier. La narratrice évoque plusieurs membres de sa famille, son père, Makenzy, fanfaron, alcoolique, malsain au fond, sa mère, Toi, quasi esclave achetée par son mari, son frère Orcel, et de nombreux autres personnalités, L’Autre, l’Envoyé de Dieu, etc. De par la situation même de sa narratrice, morte, le récit est imprégné de ce réalisme merveilleux caractéristique de la littérature haïtienne.

Mais le récit n’est pas qu’une chronique de la vie familiale ou villageoise, chronique rendue sinistre par un père alcoolique et violent. Des personnages comme l’Inconnue, une étudiante en anthropologie venue de la ville, voire de l’étranger, ouvrent vers d’autres milieux sociaux. De plus l’écriture de Makenzy Orcel, dans ce qui est son septième ouvrage publié, s’affirme pleine de poésie, avec une langue riche.

Cette vie est bouleversée par l’arrivée des loups, derrières lesquels on peut voir aussi bien des capitalistes venus saigner le peuple haïtien que des miliciens héritiers des tontons macoutes. Finalement, toute la famille, sauf la narratrice, part pour la ville, sans doute Port-au-Prince.

Cette ville est tout aussi étrange que le village du début, avec des personnages tout autant mystérieux, mais la violence y est beaucoup plus présente. Le père dont l’alcoolisme et la lâcheté avait précipité la déchéance et la fuite du village tombe encore plus bas. Mais d’autres univers et d’autres histoire apparaissent alors, comme cette parabole de l’ascenseur en chute libre.

Makenzy Orcel, avec ce roman qui précède Une somme humaine fait preuve de son talent d’écrivain en nous disant beaucoup sur la nature humaine et sur la société haïtienne.